Ct 8 : L'amour est fort comme la mort

Vendredi 14 décembre 2012

 

Pose-moi comme un sceau sur ton coeur, comme un sceau sur ton bras. Car l'amour est fort comme la mort, la passion inflexible comme le Shéol (Ct 8,6)

 

COMMENTAIRES SUR LES CHAPITRE 8 (suite) : 

Saint Jean de Damas – Homélie 1 sur la Dormition 

      Ô Mère de Dieu, toujours vierge, ton saint départ de ce monde est vraiment un passage, une entrée dans la demeure de Dieu. Sortant de ce monde matériel, tu entres dans « une patrie meilleure » (He 11,16). Le ciel a accueilli avec joie ton âme : « Quelle est celle-là qui monte dans tout son éclat comme l’aurore, belle comme la lune, resplendissante comme le soleil ? » (Ct 8,5;6,10) « Le roi t'a introduite dans ses appartements » (Ct 1,4) et les anges glorifient celle qui est la mère de leur propre maître, par nature et en vérité selon le plan de Dieu. Les apôtres ont porté ton corps sans tache, toi l’arche d’alliance véritable, et l’ont déposé à son saint tombeau. Et là, comme par un autre Jourdain, tu es parvenue à la vraie Terre promise, je veux dire à la « Jérusalem d'en haut », mère de tous les croyants (Ga 4,26), dont Dieu est l'architecte et le constructeur. Car ton âme assurément « n'est pas descendue dans le séjour des morts, bien plus ta chair elle-même n'a pas connu la corruption » (Ps 15,10;Ac 2,31). Ton corps très pur, sans souillure, n'a pas été abandonné à la terre, mais tu as été emportée aux demeures du Royaume des Cieux, toi la reine, la souveraine, la dame, la Mère de Dieu, la véritable Theotokos. Aujourd’hui nous nous approchons de toi, notre reine, Mère de Dieu et Vierge ; nous tournons nos âmes vers l’espérance que tu es pour nous… Nous voulons t’honorer par « des psaumes, des hymnes, des cantiques inspirés » (Ep 5,19). En honorant la servante, nous disons notre attachement à notre propre Maître commun. Jette tes yeux sur nous, ô reine, mère de notre bon Souverain ; guide notre route jusqu’au port sans orages du bon désir de Dieu. 
 

 

Saint Bernard – 3ème sermon pour la Pentecôte 
 
      L'Esprit Saint a couvert la Vierge Marie de son ombre (Lc 1,35) et, le jour de la Pentecôte, il a fortifié les apôtres ; pour elle, c'était en vue d'adoucir l'effet de la venue de la divinité en son corps virginal et, chez eux, en vue de les « revêtir de la force d'en haut » (Lc 24,49), c'est-à dire de la charité la plus ardente. Comment, dans leur faiblesse, auraient-ils pu remplir leur mission de triompher de la mort sans cet « amour aussi fort que la mort » et de ne pas laisser « les portes de l'enfer prévaloir contre eux » sans cet « amour aussi inflexible que l'enfer » ? (Mt 16,18; Ct 8,6) Or, en voyant ce zèle, certains les croyaient ivres (Ac 2,13). Effectivement, ils étaient ivres, mais d'un vin nouveau, celui que la « vraie vigne » avait laissé couler du haut du ciel, celui « qui réjouit le cœur de l'homme » (Jn 15,1; Ps 103,15)... C'était un vin nouveau pour les habitants de la terre, mais au ciel il se trouvait en abondance, il coulait à flot dans les rues et sur les places de la cité sainte, où il répandait la joie du cœur. Ainsi, il y avait au ciel un vin particulier que la terre ignorait. Mais la terre avait aussi quelque chose qui lui était propre et qui faisait sa gloire -- la chair du Christ -– et les cieux avaient une grande soif de la présence de cette chair. Qui pourrait empêcher cet échange si sûr et si riche en grâce entre le ciel et la terre, entre les anges et les apôtres, de sorte que la terre possède l'Esprit Saint et le ciel la chair du Christ ? « Si je ne m'en vais pas, dit Jésus, le Défenseur ne viendra pas à vous. » C'est-à-dire, si vous ne laissez pas partir ce que vous aimez, vous n'obtiendrez pas ce que vous désirez. « C'est votre intérêt que je m'en aille » et que je vous transporte de la terre au ciel, de la chair à l'esprit ; car le Père est esprit, le Fils est esprit, et l'Esprit Saint est aussi esprit... Et le Père « qui est esprit, recherche des adorateurs qui l'adorent en esprit et en vérité » (Jn 4,23-24).
 
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Sainte Thérèse d'Avila –Poésie
 
Je vis mais sans vivre en moi ;
Et mon espérance est telle
Que je meurs de ne pas mourir.
 
Je vis déjà hors de moi
Depuis que je meurs d'amour ;
Car je vis dans le Seigneur
Qui m'a voulue pour lui.
Quand je lui donnai mon coeur,
Il y inscrivit ces mots :
Je meurs de ne pas mourir...
 
Ah ! qu'elle est triste la vie, 
Où l'on ne jouit pas du Seigneur !
Et si l'amour lui-même est doux
La longue attente ne l'est pas ;
Ôte-moi, mon Dieu, cette charge
Plus lourde que l'acier,
Car je meurs de ne pas mourir.
 
Je vis dans la seule confiance
Que je dois un jour mourir, 
Parce que, par la mort, c'est la vie
Que me promet mon espérance.
Mort où l'on gagne la vie, 
Ne tarde pas, puisque je t'attends,
Car je meurs de ne pas mourir.
 
Vois comme l'amour est fort (Ct 8,6); 
Ô vie, ne me sois pas à charge !
Regarde ce qui seul demeure :
Pour te gagner, te perdre ! (Lc 9,24)
Qu'elle vienne la douce mort !
Ma mort, qu'elle vienne bien vite,
Car je meurs de ne pas mourir.
 
Cette vie de là-haut,
Vie qui est la véritable,
‒ Jusqu'à ce que meure cette vie d'ici-bas –
Tant que l'on vit on n'en jouit pas.
Ô mort ! ne te dérobe pas.
Que je vive puisque déjà je meurs,
Car je meurs de ne pas mourir.
 
Ô vie, que puis-je donner
À mon Dieu qui vit en moi
Si ce n'est de te perdre, toi, 
Pour mériter de le goûter !
Je désire en mourant l'obtenir, 
Puisque j'ai si grand désir de mon Aimé
Que je meurs de ne pas mourir. 
 
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Baudoin de Ford – Homélie
 
      « Pose-moi comme un sceau sur ton coeur, car l'amour est fort comme la mort » (Ct 8,6). « L'amour est fort comme la mort » car l'amour du Christ est la mort de la mort... De même, l'amour dont nous aimons le Christ est fort comme la mort lui aussi puisqu'il constitue à sa manière une mort : une mort où prend fin la vie ancienne, où les vices sont abolis et les oeuvres mortes abandonnées. De fait, l'amour que nous avons pour le Christ -- même s'il est loin d'égaler celui du Christ pour nous -- est à l'image et à la ressemblance du sien. Le Christ en effet « nous a aimés le premier » (1Jn 4,19), et par l'exemple d'amour qu'il nous a proposé, il s'est fait pour nous un sceau afin que nous devenions conformes à son image. C'est pourquoi il nous dit : « Pose-moi comme un sceau sur ton coeur », comme s'il disait : « Aime-moi à la manière dont je t'aime. Garde-moi dans ton esprit, dans ta mémoire, dans ton désir, ton soupir, ton gémissement, tes sanglots. Souviens-toi, homme, avec quelle qualité je t'ai créé : de combien je t'ai préféré aux autres créatures, de quelle dignité je t'ai ennobli, de quelle gloire et de quel honneur je t'ai couronné et comment je t'ai fait de peu inférieur aux anges, comment j'ai tout placé sous tes pieds (Ps 8,6-7). Souviens-toi non seulement de tout ce que j'ai fait pour toi, mais encore de ce que j'ai supporté de ta part, en fait de peine et de mépris. Et vois si tu n'es pas injuste à mon égard en ne m'aimant pas. Qui en effet t'a aimé comme moi ? Qui t'a créé, sinon moi ? Qui t'a racheté, sinon moi ? » Seigneur, enlève de moi ce coeur de pierre, ce coeur figé, ce coeur incirconcis. Et donne-moi un coeur nouveau, un coeur de chair, un coeur pur (Ez 36,26). Toi qui purifies le coeur et qui aimes le coeur pur, possède mon coeur et habite en lui ; contiens-le et remplis-le, toi qui dépasses tout ce que je suis et qui m'es plus intérieur et intime que moi-même. Toi, le modèle de la beauté et le sceau de la sainteté, scelle mon coeur dans ton image, scelle mon coeur sous ta miséricorde, « Dieu de mon coeur, Dieu, ma part à jamais » (Ps 72,26). 
 
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Bienheureux Guerric d'Igny – 4ème Sermon pour l'Assomption
 
      Quand Jésus s'est mis à parcourir les villes et les villages pour annoncer la Bonne Nouvelle (Mt 9,35), Marie l'accompagnait, inséparablement attachée à ses pas, suspendue à ses lèvres dès qu'il ouvrait la bouche pour enseigner. A tel point que ni la tempête de la persécution ni l'horreur du supplice n'ont pu lui faire abandonner la compagnie de son Fils, l'enseignement de son Maître. « Près de la croix de Jésus se tenait Marie, sa mère ». Vraiment, elle est mère, celle qui n'abandonnait pas son Fils, même dans les terreurs de la mort. Comment aurait-elle pu être effrayée par la mort, elle dont « l'amour était fort comme la mort » (Ct 8,6) et même plus fort que la mort. Oui, elle se tenait debout près de la croix de Jésus et la douleur de cette croix la crucifiait dans son coeur elle aussi ; toutes les plaies dont elle voyait blessé le corps de son Fils étaient autant de glaives qui lui transperçaient l'âme (Lc 2,35). C'est donc à juste titre qu'elle est proclamée Mère ici et qu'un protecteur bien choisi est désigné pour prendre soin d'elle, car c'est ici surtout que se manifestent l'amour parfait de la mère à l'égard du Fils et la vraie humanité que le Fils avait reçue de sa mère. Jésus « l'ayant aimée, il l'aima jusqu'à la fin » (Jn 13,1). Non seulement la fin de sa vie a été pour elle, mais aussi ses derniers mots : achevant pour ainsi dire de dicter son testament, Jésus a confié le soin de sa mère à son plus cher héritier. Pierre, pour sa part, a reçu l'Eglise, et Jean, Marie. Cette part revenait à Jean comme un signe de l'amour privilégié dont il était l'objet, mais aussi à cause de sa chasteté. Car il convenait que personne d'autre ne rende ses services à la mère du Seigneur que le disciple bien-aimé de son Fils... Et par cette disposition providentielle, le futur évangéliste pourrait s'entretenir familièrement de tout avec celle qui savait tout, elle qui, depuis le commencement, observait attentivement tout ce qui concernait son Fils, qui « conservait avec soin toutes ces choses et les méditait dans son coeur » (Lc 2,19). 
 
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Baudoin de Ford – Traité 
 
      A nous d'aimer le Christ comme il nous a aimés. Il nous a laissé son exemple pour que nous suivions ses traces (1P 2,21). C'est pourquoi il dit : « Pose-moi comme un sceau sur ton coeur » (Ct 8,6), ce qui revient à dire : « Aime-moi comme je t'aime. Porte-moi en ton esprit, en ta mémoire, en ton désir, en tes soupirs, en tes gémissements, en tes sanglots. Rappelle-toi, homme, en quel état je t'ai créé, combien je t'ai élevé au-dessus des autres créatures, de quelle dignité je t'ai ennobli, comment je t'ai couronné de gloire et d'honneur, comment je t'ai placé peu au-dessous des anges et comment j'ai tout mis sous tes pieds (Ps 8). Rappelle-toi non seulement tout ce que j'ai fait pour toi mais quelles épreuves et quelles humiliations j'ai souffertes pour toi... Et toi, si tu m'aimes, montre-le ; aime, non de parole et de langue, mais en acte et en vérité. Pose-moi comme un sceau sur ton coeur et aime-moi de toutes tes forces ». Seigneur, enlève mon coeur de pierre, ce coeur dur et incirconcis. Donne-moi un coeur nouveau, un coeur de chair, un coeur pur (Ez 36,26). Toi qui purifies les coeurs, toi qui aimes les coeurs purs, prends possession de mon coeur, et viens y habiter. 
 
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Saint Bernard – 2e sermon pour la fête de Saint André
 
      « O croix si longtemps désirée, offerte maintenant aux aspirations de mon âme ! Je viens à toi, plein de joie et d'assurance. Reçois-moi avec allégresse, moi le disciple de celui qui pendit à tes bras. » Ainsi parlait saint André [selon la tradition], apercevant de loin la croix qui était dressée pour son supplice. D'où venaient en cet homme une joie et une exultation si étonnantes ? D'où venait tant de constance dans un être si fragile ? D'où cet homme tenait-il une âme si spirituelle, une charité si fervente et une volonté si forte ? Ne pensons pas qu'il tirait de lui-même un si grand courage ; c'était le don parfait issu du Père des lumières (Jc 1,17), de celui qui seul fait des merveilles. C'était l'Esprit Saint qui venait en aide à sa faiblesse, et qui diffusait dans son coeur une charité forte comme la mort, et même plus forte que la mort (Ct 8,6). Plaise à Dieu que nous ayons part à cet Esprit, nous aussi aujourd'hui ! Car si maintenant l'effort de la conversion nous est pénible, si veiller nous ennuie, c'est uniquement le fait de notre indigence spirituelle. Si l'Esprit Saint nous était présent, il viendrait sûrement en aide à notre faiblesse. Ce qu'il a fait pour Saint André face à la croix et à la mort, il le ferait aussi pour nous : enlevant au labeur de la conversion son caractère pénible, il le rendrait désirable et même délicieux. Frères, recherchons cet Esprit, apportons tous nos soins à l'obtenir, ou à le posséder plus pleinement si nous l'avons déjà. Car « celui qui n'a pas l'Esprit du Christ n'appartient pas au Christ » (Rm 8,9). Nous devons donc prendre notre croix avec saint André, ou plutôt avec celui qu'il a suivi, le Seigneur, notre Sauveur. La cause de sa joie c'était qu'il mourait non seulement avec lui, mais comme lui, et qu'uni si intimement à sa mort, il règnerait avec lui. Car notre salut est sur cette croix. 
 
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Saint Augustin – Les Discours sur les Psaumes
 
      « Quelle joie quand on m'a dit : ' Nous irons à la maison du Seigneur. ' Maintenant nos pas s'arrêtent dans les parvis de Jérusalem » (Ps 121,1-2). De quelle Jérusalem ? Il y a sur terre une ville de ce nom, mais elle est l'ombre de l'autre Jérusalem. Quel si grand bonheur y a-t-il à se tenir dans le Jérusalem d'ici-bas qui n'a pas pu se tenir d'elle-même et qui est tombée en ruines ? Ce n'est pas de la Jérusalem d'ici-bas que parle celui qui a tant d'amour, tant d'ardeur, tant de désir à parvenir à la Jérusalem « notre mère », que l'apôtre Paul dit être « éternelle dans les cieux » (Ga 4,26; 2Co 5,1). « O Jérusalem, que ta paix soit dans ta force. » (Ps 121,7) C'est à dire que ta paix soit dans ton amour, car l'amour est ta force. Ecoutez le Cantique des Cantiques : « L'amour est fort comme la mort » (8,6). En effet, l'amour détruit ce que nous avons été, pour nous permettre, par une sorte de mort, de devenir ce que nous n'étions pas. C'est cette mort qui était à l'œuvre en celui qui disait : « Le monde est crucifié pour moi, et je suis crucifié pour le monde » (Ga 6,14). C'est de cette mort que parle ce même apôtre quand il dit : « Vous êtes morts et votre vie est désormais caché avec le Christ en Dieu » (Col 3,3). Oui, « l'amour est fort comme la mort ». Si l'amour est fort, il est puissant, il est de grande force, il est la force même. Que ta paix soit donc dans ta force, Jérusalem ; que ta paix soit dans ton amour. 
 
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Saint Bernard – Sermons sur le Cantique des Cantiques, n° 83
 
      De tous les mouvements de l'âme, de ses sentiments et de ses affections, l'amour est le seul qui permette à la créature de répondre à son Créateur, sinon d'égal à égal, du moins de semblable à semblable. L'amour de l'Époux, ou plutôt l'Époux qui est Amour ne demande qu'amour réciproque et fidélité. Qu'il soit donc permis à l'épouse d'aimer en retour. Comment n'aimerait-elle pas, puisqu'elle est épouse et l'épouse de l'Amour ? Comment l'Amour ne serait-il pas aimé ? Elle a donc raison de renoncer à toute autre affection pour s'adonner au seul amour, puisqu'il lui est donné de répondre à l'Amour par un amour réciproque. Mais, même si elle fond tout entière en amour, que serait-ce en comparaison avec le torrent d'amour éternel qui jaillit de la source même ? Le flot ne coule pas avec la même abondance de celle qui aime et de l'Amour, de l'âme et du Verbe, de l'épouse et de l'Époux, de la créature et du Créateur ; il n'y a pas la même abondance dans la fontaine et dans celui qui vient boire. Les soupirs donc de l'épouse, sa ferveur amoureuse, son attente pleine de confiance, tout cela sera-t-il en vain parce qu'elle ne peut rivaliser à la course avec un champion (Ps 18,6), se vouloir aussi douce que le miel lui-même, aussi tendre que l'agneau, blanche à l'égal du lis, lumineuse comme le soleil, et l'égale en amour de celui qui est l'Amour ? Non. Car, s'il est vrai que la créature, dans la mesure où elle est inférieure au Créateur, aime moins que lui, elle peut encore l'aimer de tout son être, et rien ne manque là où il y a totalité. C'est là l'amour pur et désintéressé, l'amour le plus délicat, aussi paisible que sincère, mutuel, intime, fort, qui réunit les deux amants non pas en une seule chair mais en un seul esprit, de sorte qu'ils ne soient plus deux mais un, selon saint Paul : « Qui s'attache à Dieu est avec lui un même esprit » (1Co 6,17). 
 
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Saint Augustin – Sermon sur le psaume 121 
 
      « Que la paix règne en tes murs » (Ps 121,7). O Jérusalem, « cité bâtie comme une ville dont tous les habitants communient dans l'unité » (v. 3), paix en ta force, paix en ton amour ! Car ta force c’est ton amour. Ecoute le Cantique des cantiques : « L'amour est fort comme la mort » (8,6). Quelle parole admirable, frères ! Qui résiste à la mort ? On résiste aux flammes, aux flots, au fer, on résiste aux tyrans et aux rois ; vienne la mort, qui peut lui résister ? Rien n'est plus fort qu'elle. L'amour seul peut se mesurer à sa force ; on peut dire que l'amour est fort comme la mort. Parce que l'amour tue ce que nous étions pour nous faire être ce que nous n'étions pas encore, il accomplit en nous une oeuvre de mort. Saint Paul est mort de cette mort, lui qui disait : « Le monde est crucifié pour moi et je le suis pour le monde » (Ga 6,4), et de cette mort étaient morts ceux à qui il disait : « Vous êtes morts, et votre vie est cachée avec le Christ en Dieu » (Col 3,3). L'amour est fort comme la mort. Que la paix soit donc dans ta force, Jérusalem ; que la paix soit dans ton amour. Et par cette force, par cet amour, par cette paix, « que l'abondance soit dans tes tours » (Ps 121,7), c'est-à-dire sur tes hauteurs. Profusion de délices, richesses sans nombre, voilà Dieu, lui qui est un ; voilà celui auquel communient tous les habitants de cette cité. C’est lui qui sera notre abondance en la ville de Jérusalem. 
 

 

Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus – Manuscrit autobiographique
 
      « Je veux te faire lire dans le livre de vie, où est contenue la science d'Amour ». La science d'Amour, oh oui ! cette parole résonne doucement à l'oreille de mon âme, je ne désire que cette science-là ; pour elle, ayant donné toutes mes richesses, j'estime, comme l'épouse [du Cantique des] cantiques, n'avoir rien donné (Ct 8,7). Je comprends si bien qu'il n'y a que l'amour qui puisse nous rendre agréables au Bon Dieu que cet amour est le seul bien que j'ambitionne. Jésus se plaît à me montrer l'unique chemin qui conduit à cette fournaise divine ; ce chemin c'est l'abandon du petit enfant qui s'endort sans crainte dans les bras de son Père. « Si quelqu'un est tout petit qu'il vienne à moi » a dit l'Esprit Saint par la bouche de Salomon (Pr 9,4) et ce même Esprit d'amour a dit encore que « La miséricorde est accordée aux petits » (Sg 6,6). En son nom, le prophète Isaïe nous révèle qu'au dernier jour « Le Seigneur conduira son troupeau dans les pâturages, qu'il rassemblera les petits agneaux et les pressera sur son sein » (Is 40,11). Ah ! si toutes les âmes faibles et imparfaites sentaient ce que sent la plus petite de toutes les âmes, l'âme de votre petite Thérèse, pas une seule ne désespérerait d'arriver au sommet de la montagne de l'amour, puisque Jésus ne demande pas de grandes actions, mais seulement l'abandon et la reconnaissance. Il a dit dans le psaume 49 : « Je n'ai nul besoin des boucs de vos troupeaux, parce que toutes les bêtes des forêts m'appartiennent et les milliers d'animaux qui paissent sur les collines. Immolez à Dieu des sacrifices de louanges et d'actions de grâces ». Voilà donc tout ce que Jésus réclame de nous, il n'a point besoin de nos oeuvres, mais seulement de notre amour. Car ce même Dieu qui déclare n'avoir point besoin de nous dire s'il a faim (Ps 49) n'a pas craint de mendier un peu d'eau à Samaritaine (Jn 4,7). Il avait soif. Il avait soif d'amour. Ah ! je le sens plus que jamais, Jésus est altéré, il ne rencontre que des ingrats et des indifférents parmi les disciples du monde. Et parmi ses disciples à lui, il trouve, hélas ! peu de coeurs qui se livrent à lui sans réserve, qui comprennent toute la tendresse de son amour infini. 
 
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Saint Colomban – Instruction spirituelle
 
Qu'ils sont donc heureux, qu'ils sont dignes d'envie, les serviteurs que le Maître, à son retour, trouvera vigilants . Une vigilance bienheureuse qui les tient éveillés pour la rencontre de Dieu, le Créateur de l'univers, dont la majesté remplit toutes choses et les dépasse toutes. Et pour moi qui suis son serviteur, malgré mon indignité, Dieu veuille m'éveiller du sommeil de mon indolence. Qu'il fasse brûler en moi le feu de l'amour divin ; que la flamme de son amour monte plus haut que les étoiles ; que brûle sans cesse au-dedans de moi le désir de répondre à son infinie tendresse. Ah! s'il m'était donné de pouvoir tenir à longueur de nuit ma lampe allumée et ardente dans le temple du Seigneur ! Si elle pouvait éclairer tous ceux qui pénètrent dans la maison de mon Dieu ! Seigneur, accorde-moi cet amour qui se garde de tout relâchement, que je sache tenir toujours ma lampe allumée, sans jamais la laisser s'éteindre ; qu'en moi elle soit feu, et lumière pour mon prochain. O Christ, daigne allumer toi-même nos lampes, toi notre Sauveur plein de douceur, fais-les brûler sans fin dans ta demeure, et recevoir de toi, lumière éternelle, une lumière indéfectible. Que ta lumière dissipe nos propres ténèbres, et que par nous elle fasse reculer les ténèbres du monde. Veuille donc, Jésus, je t'en prie, allumer ma lampe à ta propre lumière, et qu'ainsi, à cette clarté, m'apparaisse le Saint des saints où toi, Prêtre éternel des temps éternels, tu fais ton entrée sous les portiques de ce temple immense. Qu'à ta lumière je ne cesse de te voir, de tendre vers toi mon regard et mon désir. Alors, dans mon cœur, je ne verrai que toi seul, et en ta présence ma lampe sera toujours allumée et ardente. Fais-nous la grâce, je t'en prie, puisque nous frappons à ta porte, de te manifester à nous, Sauveur plein d'amour. Te comprenant mieux, puissions-nous n'avoir d'amour que pour toi, toi seul. Sois, nuit et jour, notre seul désir, notre seule méditation, notre continuelle pensée. Daigne répandre en nous assez de ton amour pour que nous aimions Dieu comme il convient. Remplis-nous de ton amour jusqu'au plus intime de nous-mêmes, qu'il nous possède tout entiers et que ta charité pénètre toutes nos facultés, pour que nous ne sachions plus rien aimer sinon toi, qui est éternel. Alors les grandes eaux du ciel, de la terre et de la mer ne pourront éteindre en nous une si grande charité, selon cette parole du Cantique des cantiques : Les grandes eaux n'ont pu éteindre l'amour. Qu'en nous se réalise, en partie tout au moins, ce progrès de l'amour par ta grâce, Seigneur Jésus Christ, à qui est la gloire dans les siècles des siècles. Amen.
 

Saint Bernard – Sermon 30 sur le Cantique des Cantiques
 
      Frères, si nous voyons dans la vigne du Seigneur l'Église, ce n'est pas une mince prérogative de l'Église que d'avoir étendu ses limites sur toute la terre. J'entends par là cette foule des premiers croyants dont il est dit « qu'ils n'étaient tous ensemble qu'un coeur et qu'une âme » (Ac 4,32). Car la persécution ne l'a pas si brutalement déracinée quelle n'ait pu être replantée ailleurs et louée à d'autres vignerons, qui, la saison venue, lui ont fait porter des fruits. Elle n'a pas péri, elle a changé de sol ; mieux, elle y a gagné en force ainsi qu'en étendue, comme la vigne bénie du Seigneur. Frères, levez donc les yeux, et vous verrez « que son ombre a couvert les collines, que ses pampres sont des cèdres de Dieu, qu'elle a étendu ses sarments jusqu'à la mer et ses rejetons jusqu'au fleuve » (Ps 79,11-12). Ce n'est pas surprenant : elle est l'édifice de Dieu, le champ de Dieu (1Co 3,9). C'est lui qui la féconde, qui la propage, la taille et l'émonde, afin qu'elle produise davantage. Il ne va pas laisser sans soins une vigne que sa main droite a plantée (Ps 79,15) ; il ne va pas abandonner une vigne dont les pampres sont les apôtres, dont le cep est Jésus Christ, et dont lui, le Père, est le vigneron (Jn 15,1-5). Plantée dans la foi, elle plonge ses racines dans la charité ; labourée par l'obéissance, fertilisée des larmes du repentir, arrosée par la parole des prédicateurs, elle regorge d'un vin qui inspire la joie et non l'inconduite, vin de toute douceur, qui réjouit vraiment le coeur de l'homme (Ps 103,15). Fille de Sion, console-toi en contemplant ce grand mystère ; ne pleure pas ! Ouvre ton coeur pour accueillir toutes les nations de la terre ! 
 

 
Sainte lectio divina en ce Temps de l'Avent
 
Christophe de DREUILLE